Isovaleurs de pression à proximité d'un drain (zone saturée en bleue)


Résumé

Des schémas numériques précis et robustes sont proposés pour modéliser les écoulements souterrains et leur couplage avec le ruissellement surfacique. Les écoulements souterrains sont décrits par l'équation de Richards qui est discrétisée par une méthode BDF en temps et une méthode de Galerkine discontinue à pénalisation intérieure symétrique en espace. Des cas tests sur des colonnes d'infiltration confirment la robustesse des schémas choisis. Dans un premier temps, nous considérons des conditions de Signorini pour l'équation de Richards afin de modéliser la présence de drains en fond d'aquifère ou l'affleurement de la nappe en négligeant le ruissellement, c'est-à-dire en supposant que l'eau exfiltrée est immédiatement évacuée du système. Dans un second temps, nous prenons en compte le ruissellement par le biais de conditions de couplage qui imposent l'égalité des flux d'eau échangés et la continuité de la pression à l'interface. Les écoulements superficiels sont décrits par l'équation de l'onde cinématique qui constitue une approximation des équations de Saint-Venant. L'équation de l'onde cinématique est discrétisée par une méthode de Godunov. Les deux schémas, pour l'écoulement souterrain et pour l'écoulement superficiel, sont conservatifs et peuvent être utilisés dans des algorithmes de couplage faisant intervenir un ou plusieurs pas de temps. Pour assurer la conservation de la masse d'eau totale du système couplé, les flux à l'interface doivent être convenablement choisis. Nous donnons en particulier la construction de ces flux pour les schémas BDF1 et BDF2. La précision et la robustesse de nos schémas sont évaluées sur plusieurs cas tests dont le drainage d'une lame d'eau, deux cas d'exfiltration de nappe (l'un provoqué par la pluie et l'autre par une injection en fond d'aquifère) et un ruissellement hortonien. Enfin, nous présentons une application concrète portant sur le fonctionnement hydrologique d'un petit bassin versant drainé.


Quelques résultats

Injection d'eau dans le sol
Une exfiltration d'eau à la surface du sol est provoquée par l'injection d'eau sur la moitié gauche du fond. La pente de la surface est de 0.2% et le temps final de simulation est de six minutes. La condition initiale est hydrostatique avec une nappe située à 0.1m et la condition aux limites sur les parois et la partie droite du fond est un flux nul. Un flux d'infiltration avec un profil parabolique et une valeur moyenne égale à 5% de la conductivité hydraulique à saturation est imposé pendant les deux premières minutes sur la partie gauche du fond. Ce flux d'infiltration est linéaire en temps pendant les dix premières secondes puis constant.



L'évolution de la
hauteur d'eau au cours de la simulation montre les différentes phases de réponse du système (saturation - exfiltration - ruissellement - drainage). Les couples hauteur d'eau - charge hydraulique au niveau de l'interface indiquent que les contraintes physiques sont respectées (continuité des pressions en zone saturée et pression négative en zone insaturée). L'erreur commise au niveau de la conservation de la masse atteste l'intérêt de la modification du flux à l'interface dans l'algorithme de couplage à deux pas.

Transfert entre sillons
Nous proposons une modélisation des hétérogénéités de la surface du sol qui peuvent conduire à la formation de flaques et influencer l'écoulement. Un transfert d'eau est provoqué entre différents sillons représentés au niveau de la surface par une courbe sinusoïdale. La durée de la simulation est deux heures. La condition initiale est hydrostatique avec une nappe située au niveau du fond des sillons et la condition aux limites sur les parois et le fond est un flux nul. Pour l'écoulement surfacique, la condition initiale est un remplissage du sillon situé à gauche et les conditions aux limites sont une hauteur d'eau nulle. Nous pourrons considérer que l'état initial correspond au remplissage instantané du premier sillon au début de la simulation.



L'évolution de la
hauteur d'eau au cours de la simulation montre qu'une exfiltration se produit dans les deux sillons initialement vides, notamment dans celui du milieu. Il est évident que l'état stationnaire attendu dans ce système est une surface libre (hauteur+cote) horizontale identique dans les trois sillons. Les couples hauteur d'eau - charge hydraulique au niveau de l'interface confirment que l'interface possède des zones saturées et insaturées pendant la simulation.

Pluie sur une parcelle drainée
L'objectif de cette application, réalisée en collaboration avec le CEMAGREF, est de prendre en compte les processus de ruissellement et de drainage en modélisant une partie du bassin versant expérimental d'Orgeval situé à proximité de Coulommier. Le premier mètre de sol est limoneux et repose sur une zone plus riche en argile, entraînant la formation d'une nappe superficielle en hiver. Nous supposons que les drains reposent sur cette zone imperméable et qu'ils sont espacés de 8m. Le diamètre réel d'un drain est de 5cm mais la perforation n'est pas continue sur leur périmètre ce qui génère des pertes de charge. Pour prendre en compte ces pertes de charge, le diamètre des drains modélisés est de 2cm. Une distance de 2cm est par ailleurs imposée entre le bord inférieur du drain et le fond du domaine pour permettre à l'eau d'arriver aux drains de toutes les directions. Pour prendre en compte la propagation du ruissellement, la réinfiltration et la connexion entre deux zones ruisselantes, nous modélisons un domaine d'une longueur de 32m, d'une profondeur de 1m et dont les pentes sur le fond et à la surface sont égales à 0.5%.



Deux simulations sont tout d'abord réalisées en faisant varier uniquement la condition initiale pour étudier l'influence de cette donnée sur le comportement hydrologique du système. Une pluie de forte intensité (5mm/h) est imposée sur la surface du sol pendant trois heures. Pour la première condition initiale, les isovaleurs de la charge hydraulique sont horizontales alors que pour la seconde condition initiale, les isovaleurs de la charge hydraulique sont parallèles à la surface du sol. L'évolution de la
nappe au cours du temps montre l'importance de cette donnée sur la réponse du système. La seconde condition semble plus conforme aux observations et expérimentations faites par les hydrologues à savoir une montée de la nappe synchrone dans les différentes zones entre les drains et des transferts de masse simultanés à travers les drains.
Nous effectuons ensuite une simulation d'une durée de deux jours au cours de laquelle la pluie introduite est un histogramme obtenu lors de mesures expérimentales réalisées les 12 et 13 janvier 2004 sur le site d'Orgeval (données CEMAGREF). La mesure expérimentale dont nous disposons est la profondeur de la nappe mesurée à l'interdrain (par un tube piezzométrique) sur l'une des parcelles constituant le bassin versant. Nous supposons que ce dernier, d'une superficie de 7.1 km2, est suffisamment homogène pour être décrit par la géométrie ci-dessus modulo un simple changement d'échelle spatiale. Pour obtenir la condition initiale, un premier calcul est réalisé en drainant le sol complétement saturé obtenu au cas test précédent. Nous choisissons alors la charge hydraulique telle que la hauteur de la nappe à l'interdrain corresponde à la hauteur mesurée in situ. La comparaison des hauteurs au cours du temps montre que le sol modélisé est plus conducteur que le sol réel car les affleurements de la nappe issus du calcul se produisent avant les affleurements mesurés.